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Fanes de carottes
11 novembre 2009

Quand Harry rencontre Sally - 1

Promenons-nous dans les bois

par Shi May Mouty

Il était une fois, par un chemin fleuri et bercé de chants d’oiseaux, une fillette qui s’en allait, chantonnant et sautillant. Une petite natte bondissait de chaque côté de sa tête blonde, faisant voleter un ruban rouge vif.
Elle s’était disputée avec les deux amies qui l’accompagnaient chez sa grand-mère. Elle ne savait déjà plus très bien laquelle avait commencé la bagarre en se moquant de son gilet rouge, tricoté par sa maman.
Bien sûr, pas question de se laisser faire. Elle avait aussitôt riposté, fixant Anaïs :
« Des socquettes blanches avec des sandalettes, c’est ringard. »
Alors Mathilde avait tiré sur sa natte, et elle s’était défendue en distribuant des coups de pied bien ajustés. Anaïs avait hurlé et était repartie en pleurant vers le village. Mathilde l’avait suivie, comme d’habitude ! Quelles idiotes !
Ce chemin, elle le connaissait bien, elle l’empruntait souvent avec sa maman, mais cette après-midi, elle y était seule pour la première fois. Et c’était formidable. Pas question de regretter le départ des deux chipies, ni l’absence de sa maman. Elle jubilait même de ne pas entendre les reproches habituels :
« Ne cours pas comme ça ! Ne te salis pas ! Tu me saoules avec tes bavardages, tais-toi. »
Comme elle était bien ! Elle souriait de bonheur.
Mamie serait très contente. Elle lui portait un petit panier de fraises  - surtout, ne pas les renverser, ni les écraser - le journal de la veille et un gros bouquet de marguerites qu’elle avait cueilli elle-même et qu’elle tenait comme un trésor très précieux.
Mamie aurait-elle préparé un gâteau au chocolat ? Elle en mangerait une grosse part, augmentée de celle d’Anaïs et de Mathilde. Cette journée promettait vraiment d’être magnifique.
Une bise fraîche agitait les branches. Les feuilles bruissaient doucement. Les arbres semblaient respirer d’un souffle léger. Le soleil tamisé dessinait des tâches de lumière dorée sur le sol. Elle sautillait à cloche-pied sur une marelle imaginaire, juste évoquée par quelques pierres du chemin.
Un merle siffla, elle voulut l’imiter. Un geai se moqua d’elle et s’envola dans un éclat bleu. Elle continua son chemin, chantant, dansant. Comme elle s’amusait bien ! Elle était une princesse au bal du roi.
Soudain un lourd nuage vint masquer le soleil. Le vent se fit plus âpre. L’herbe ondula, se courba. La fillette entendit des grincements, des gémissements dans les fourrés. Les branches tordues, agitées par des bourrasques brutales la chassaient, la menaçaient. Elle vit un visage grimaçant sculpté dans l’écorce d’un vieux chêne. Des feuilles sèches, des brindilles volèrent autour d’elle, la cernant dans leur ronde désordonnée. Les oiseaux ne chantaient plus.
Elle marcha plus vite, puis courut, serrant les fleurs, le journal et le panier de fraises contre sa poitrine. Elle entendait des craquements derrière elle. Elle n’osait pas se retourner. Elle était sûre qu’un loup, un loup énorme, aux yeux fous, aux babines rouges retroussées sur des crocs immenses, la poursuivait. Il n’y avait aucun doute, elle allait être dévorée toute crue :
«  Maman, Papa ! » hurla-t-elle.
Elle trébucha, manqua de s’étaler sur le sol rugueux. Elle lâcha les marguerites, mais se cramponna au panier de fraises. Le journal s’envola. Désespérée, elle courut dans tous les sens pour en rattraper les feuillets. Elle se mit à pleurer, et les épaules secouées par des sanglots bruyants, reprit sa course, aveuglée par les larmes. Brutalement, elle se cogna contre un obstacle monumental :
«  - Holà, petite ! Arrête-toi ! Où cours-tu comme ça ? »
Elle leva la tête, essuya son nez et ses yeux sur sa manche. Un homme terrifiant, aux longues mèches noires hérissées, se dressait devant elle. Il portait un sac à dos :
« Un ogre ! Un ogre ! Il va m’emporter dans son sac, me découper en morceaux et me mettre au saloir. »
Elle essaya de fuir, mais l’ogre la saisit par le bras :
« Qu’est-ce que tu as ? Tu as peur de moi ? Tu me connais, pourtant. Jean-Lou, le fils du boucher.
- Loup ! Un loup ! » hurla-t-elle encore plus fort. Elle se débattit, se dégagea et fila aussi vite que possible, abandonnant les fraises renversées dans l’herbe et le journal froissé.
Elle courut, courut, et enfin se jeta dans les bras de sa grand-mère qui l’attendait, assise sur un banc du jardin. Hoquetant de sanglots, elle essaya d’expliquer son affreuse aventure.
Pauvre grand-mère, elle n’y comprenait rien, ne saisissait que quelques mots : un loup, des fraises, un journal, un ogre, Anaïs et Mathilde…
La grand-mère consola la fillette, qui s’apaisa. Un sourire revint sur les lèvres enfantines. Mais soudain, elle cria apeurée :
« Mamie, l’ogre, le loup, le voilà ! Il va nous dévorer toutes les deux !
- Tiens, Jean-Lou, te revoilà revenu en vacances chez tes parents. Mais qu’est-ce que tu m’apportes ?
- Bonjour, madame. Des fraises, des marguerites, un journal. J’ai trouvé tout cela au bord du chemin, abandonné par une petite fille peureuse.
- Mais regarde, petite sotte. C’est Jean-Lou, tu le connais. Il habite au village, et sa maman te donne toujours une rondelle de saucisson quand tu fais les courses avec moi. Maintenant, rentrons, l’orage menace. Jean-Lou, viens manger un morceau de gâteau avec nous. »
Petit coup d’œil furtif vers le grand gaillard souriant. Malgré ses drôles de cheveux, il n’avait pas l’air méchant, et ses dents étaient bien ordinaires. Le goûter fut savoureux…
Des années plus tard… il furent heureux et eurent beaucoup d’enfants…
Ensemble ?…
Qui sait ?

***

Quand Harry rencontre Sally, version conte de fées...

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Commentaires
P
J'ai beaucoup aimé moi aussi ;)
M
Mince alors !! Comment sais-tu que j'avais des nattes ?????
I
MAP, était-ce toi cette jeune fille courant les bois, les nattes rebondissantes ? <br /> <br /> mc, le conte ne le dit pas, mais qui sait... <br /> <br /> Merci pour elle !
M
Ravie Shi May Mouty de vous lire à nouveau !<br /> Question qui tue : les enfants de Jean-Lou aux drôles de cheveux ont-ils des "dreadlocks" ? :o) <br /> Bravo pour ce conte moderne !
M
J'aime bien cette version conte de fée avec une petite rondelle de saucisson (ce détail me rappelle des souvenirs !!)Merci pour cette lecture rafraîchissante Shi May Mouty !
Fanes de carottes
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