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Fanes de carottes
9 octobre 2009

Bûchers - 1

Déménagement

Cacoune


Ça sent le cramé, non ? C’est étonnant, je suis pourtant sûre de n’avoir rien laissé sur le feu. Ils ne m’ont quand même pas laissé beaucoup de temps pour baisser les flammes sous le chaudron avant de m’emmener hors de ma chaumière. La politesse se meurt, tout de même, ma bonne dame ! Bon, en même temps, si ça ne dure pas, ça ne devrait pas avoir de trop grandes conséquences : ce n’était qu’à feu doux.
Tout de même, qu’est-ce qu’il fait chaud. Pfiou ! Si j’avais su qu’il ferait cette chaleur, j’aurais troqué ma jupe d’hiver contre une plus légère. Mais je n’ai plus grand-chose à me mettre. J’ai presque tout abandonné dans ma précédente maison. J’ai dû partir si vite… Dommage, une plus légère à cet instant aurait été la bienvenue.
Mais que font-ils là derrière ? Je ne vois absolument rien. Avaient-ils besoin de me mettre ce sac en toile sur la tête ? De quoi ont-ils peur ? Que je les transforme en gruyère d’une seule œillade meurtrière ?! Peut être la mégère du jeudi leur a-t-elle dit de se méfier de moi ? Ce serait quand même étonnant qu’elle soit allée baver sur mon compte : elle qui aime venir se faire tirer les cartes. Et pas que les cartes d’ailleurs ! Si son châtelain de mari savait…
Je me demande quand même où je suis. Bon, puis, j’suis un peu à l’étroit dans ce gilet. J’ai du mal à croire que c’est la mode à Paris de porter des vêtements si serrés. Et les mains dans le dos comme ça, ça ne me paraît pas très seyant. Du moins, je crois, vu que je ne vois rien. Qu’on ne me dise pas qu’en plus, le sac noir sur la tête va avec ! Avec des trous pour les yeux peut être… Je ne suis pas prête d’abandonner mes grandes jupes et blouses assorties pour ça, et ce même si l’ensemble est d’un noir aussi profond que celui des poils de mon chat.
Où il est du reste celui-là ? Déjà plusieurs jours que je ne l’ai pas vu. Il sait pourtant que je manque de queue de souris pour mon élixir de fertilité. Et les cochenilles ! Je vais tomber en panne de cochenilles séchées ! Et ça n’est vraiment pas le bon plan en cette période : mon carnet de commande est blindé ! Tout le monde veut sa fiole de particule de cochenilles séchées. C’est très bon pour les petites baisses de tension : une inhalation suffit. Ça ne me dit pas où est ce chat. Il n’y a pas que la politesse qui se perd : le petit personnel, ce n’est vraiment plus ce que c’était.
Heureusement, le printemps sera bientôt là. Je vais enfin pouvoir aller à la cueillette, remplir de nouveau mes placards, reconstituer mes stocks : miellat d’argus bondissant, extrait de venin de vipère jeune, feuilles de buisson galopeur, sans compter les racines de baobab du froid ! Réduites en poudre, on en fait des merveilles.
Il était pourtant bien ce village. Je pensais avoir fait le bon choix en venant m’installer ici. J’appréciais particulièrement cette petite clairière reculée. Assez loin du village pour être protégée des regards indiscrets et assez près cependant pour créer une petite clientèle. Mais, non, il a fallu que ça recommence. Ils ne nous laisseront donc jamais en paix ? Toujours à vouloir nous chasser ou nous faire flamber ! Quand se départiront-ils de ces préjugés éculés … ? 
Ça y est, mon heure approche. Le feu est allumé : l’odeur me parvient et j’entends le bois crépiter. Habituellement, j’ai droit à un semblant de procès et à un jugement en bonne et due forme. Cocotte ! Aujourd’hui, tu passes à la casserole sauf que ça sentira le cochon grillé. Enfin c’est ce qu’ils croient ! Il ne va plus falloir me chauffer longtemps avant que je m’énerve…
Qu’est-ce qu’il dit le curé ? C’est bien sa voix ? On dirait qu’il psalmodie quelque chose. Je ne comprends rien ! Il ne veut pas s’approcher un peu que je saisisse ce qu’il dit ! Mmmmm mmmmm… Il aurait un bandeau sur la bouche que ça ne changerait rien. Meuh meuh meuh... Meuh quoi ? Grrrr ça m’énerve. Et avec la température qu’il fait, je n’arrive pas à me concentrer. Ah ! le voici qui s’approche !

Meurs, meurs, meurs sorcière et retourne en enfer !
Tu ne mérites pas de fouler ce sol, création du saint Père !


Ah oui en effet, le message est clair. Dommage, je commençais à me sentir chez moi ici. Bien… la chaleur du lieu m‘indique que les flammes doivent monter suffisamment haut maintenant pour que ma sortie soit du plus bel effet. Ils veulent du spectacle : ils vont être servis. Je crois donc le moment venu pour moi de déménager en laissant sur ce énième bûcher mon dernier vêtement !

***
en réponse à un appel brûlant.

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Commentaires
C
Merci beaucoup pour votre accueil;<br /> Quant aux trouvailles, je remercie une peu le net quand même :)
M
Mais c'est super de se dire que les sorcières avaient un moyen de ne pas cramer, bon bien sûr le problème est qu'il faut renouveler régulièrement la garde robe !
M
La sorcière va donc encore une fois abandonner son habit de chenille pour s'envoler à la poursuite des feuilles de buisson galopeur !!!<br /> Bravo Cacoune ! J'aime beaucoup ton texte avec toutes tes trouvailles !
M
Pas très "chaleureux" les villageois ... Alors c'est donc la fin de "Ma sorcière bien-aimée" ???? :o) bravo Cacoune
Fanes de carottes
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