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Fanes de carottes
20 décembre 2007

La liste des courses d'InFolio

Célestin, mâle reproducteur

Célestin reposait, calme, lové sur son lit composé de mousses, de branchages et brindilles brisées. Un grand espace lui était réservé afin qu’il puisse se déplacer quand il en avait envie. Mais pour l’heure il dormait. La température était agréable, il était bien nourri, aucun danger ne le menaçait… il pouvait se le permettre.
Discrètement cependant on le surveillait, là haut, par l’œilleton.
Il faut dire que Célestin était le plus beau mâle du cheptel. Un morceau de choix dont la semence valait de l’or.
 

Son espace était clos par des murs, il avait pour ciel un plafond blanc, et ses nuits étaient sans étoiles - il y en aurait eu trop que ç'eût été du pareil au même : il n’avait jamais vu d’étoiles.    

Les autres mâles, de moindre valeur, ne bénéficiaient pas du même confort. Ils vivaient à quatre ou cinq dans chaque enclos. Pour les femelles c’était différent, elles devaient avoir chacune un enclos individuel pour pouvoir mettre bas et nourrir pendant quelques temps leur progéniture. Mais là encore, leur valeur conditionnait la taille de l’enclos. 

Il avait fallu du temps et du travail pour en arriver là. Les premiers spécimens avaient été ponctionnés très discrètement sur leur planète d’origine. Ils avaient été étudiés sous toutes leurs coutures. Ils étaient maladroits, peu intelligents. Suffisamment cependant pour que, avec leur caractère soupe-au-lait, l’on craigne des velléités de rébellion. Il avait donc été décidé de ne pas les utiliser comme esclaves. 

On attendait la maturité des mâles pour les abattre. On les servait, grillés ou en sauce, lors des repas royaux. Le roi était friand de leurs cuisses, qui lui étaient réservées. Les invités se partageaient le reste de la carcasse.
Les femelles qui avaient passé l’âge d’engendrer étaient elles aussi cuisinées, mais jamais on ne se serait avisé de les servir au roi. Ce privilège douteux était réservé à ses ministres.
 

Célestin était donc le résultat d’une longue sélection, destinée à abêtir les spécimens d’origine tout en améliorant les qualités gustatives de leur chair. Le résultat était là : Célestin était un parfait crétin, et un très très beau mâle, musclé, à la chair tendre. Sa tignasse ressemblait à un tas de paille, et il aurait bien mérité une coupe de cheveux, mais ça ne lui aurait pas donné pour autant un air plus intelligent.  

Quinze ans qu’il était nourri, logé et blanchi et c’était déjà long comparé aux autres mâles de moindre valeur. Il était temps de le mettre en présence des femelles pour qu’il assure sa fonction de reproducteur.  

On ouvrit discrètement la porte pendant son sommeil pour introduire la meilleure reproductrice du groupe, aux hanches bien larges, à la poitrine généreuse, et au fessier harmonieusement rebondi. Elle avait été dopée aux hormones et était capable d’enfanter des triplés.  

Le taux de perte de femelles lors des tentatives pour produire plus de trois spécimens s’étant révélé catastrophique, ils avaient décidé de limiter le nombre de petits à trois. La durée de gestation avait été ramenée à 7 mois, mais il fallait compter de nombreuses années avant qu’ils ne soient matures et vendables. Mais même si le rendement n’était pas très élevé, ce type d’élevage restait très lucratif : leur rareté faisait toute leur valeur.  

Le fort taux d’hormones de la femelle permettait une production élevée de phéromones qui stimulaient les pulsions naturelles du mâle. Tout était mis en œuvre pour multiplier les chances d’accouplement et donc de fécondation.  

Célestin, dans son sommeil d’ange innocent, ne sut pas qu’on faisait entrer la femelle. Il avait l’air si touchant, en chien de fusil, suçant son pouce opposable, que la femelle resta d’abord à distance à l’observer. Ses charmes virils firent bientôt effet, et elle alla le secouer doucement puis plus fort.

Mais à son réveil, contrairement à ce que les observateurs attendaient, Célestin ne prit pas sauvagement la femelle, mais son temps pour la regarder. Il semblait figé comme un vieil arbre mort. Celle-ci, par contre, réceptive aux charmes du mâle, se pâmait. Elle alla soudain s’asseoir à cinq centimètres de Célestin, en susurrant des sons censés le séduire. Celui-ci, saisi d’effroi, faillit se sentir mal. Ses yeux ne la quittaient pas, terrorisés et interrogateurs.

Il avait peur de cette créature et ne savait que faire…  

* * *

Dans son chariot, InFolio a entassé une porte, plusieurs brindilles brisées, une coupe de cheveux, une soupe au lait, un ange, un homme vraiment très beau, trop d'étoiles, un prénom désuet, une longue allitération, un zeugma et un kakemphaton.

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Commentaires
I
@kloelle : il faut essayer pour voir ce que ça donne. <br /> <br /> @tous : Je suis vraiment curieuse de voir comment votre esprit a pu laisser courrir son imagination et inventer ce qui pouvait se passer après ces préliminaires... Alors si le coeur vous en dit, n'hésitez pas !
K
En voilà un beau thème de consigne....Mais serons-nous à la hauteur de ce début plein de promesses ?
I
oh ! chouette ! <br /> <br /> oui ? Qui veut ?
E
Je rappelle (à qui veut) que n'importe qui peut proposer n'importe quoi à Fanes de carottes.<br /> Si vous avez envie d'imaginer une suite au texte d'InFolio (ou de quelqu'un d'autre), c'est tout à fait négociable avec elle.<br /> Faites-nous vos propositions par mail, toute idée est la bienvenue!
K
J'ai vraiment pensé aux "Fables de l'Humpur" de Pierre Bordage...Un délice ce texte. <br /> Comment ça tu veux nous priver de la suite ?
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