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Fanes de carottes
14 mai 2009

Intelligence végétale - 3

Confidences
par InFolio


Je suis sûre qu'il pense que je le fais exprès. Que je fais ça uniquement pour l'embêter. Mais s'il pense vraiment ça, c'est qu'il n'a rien compris.
Depuis combien de temps est-ce qu'on se connait ? Bizarrement, on est vite devenus proches. Même si les occasions de se voir sont rares, on se parle souvent. Au début, oui, je peux admettre que c'était de la pure taquinerie. Mais plus maintenant.
Et il y a eu ces moments difficiles. Il était là. Loin, mais là. Par l’intermédiaire d’Internet, une fois par semaine au début, et au final tous les soirs. Il était là pour écouter. Pour me subir. Supporter mes lamentations. Pour me lire alors que je vidais mon sac. Pour parler d'autre chose et me changer les idées quand je tournais en rond, quand je m’enfonçais.
Et il y a eu cette fois où je l’ai rejeté avec cette litanie qui tournait en boucle: « Je ne veux plus te parler. Je ne veux plus t'affecter en te confiant toutes mes idées noires. Je ne veux plus te parler. Je préfère ma solitude plutôt que te faire souffrir. C'est moins grave si c’est moi qui ai mal, mal de cette solitude. Je ne veux plus te parler, pour ne pas te mentir. Je ne te mérite pas, laisse-moi. » Mais il a laissé passer la tempête, il a tenu bon et il est resté là. Loin, mais là. Pas une personne vivante à côté de moi, mais un soutien virtuel.
Quand ça a été trop difficile de rester seule, loin, un soir il a accepté que je débarque le lendemain soir. Il n’a rien demandé, n’a fait aucun commentaire. Je me suis réfugiée chez lui. Sur place, on n'en a pas parlé. On a vécu deux jours côte à côte, chacun occupé à lire, regarder la télé... mais plus seuls. Assis en train de lire, il m'a offert son épaule, il a passé son bras dans mon dos, avec un petit « viens-là », il m’a attirée vers lui. Ma tête sur son épaule. Il était là, j'étais bien. Je me suis échappée de ma vie, de mon enfer, j'étais en sécurité pendant deux jours. Ca suffisait.
C'est resté un souvenir particulier. Ma tête sur son épaule.
Je sais que tu n’en as rien à faire de tout ça. Mais ça me fait du bien d’en parler.
Par la suite, tu sais, on s'est revu. Et moi, je crois bien que je suis devenue dépendante de ce simple contact : ma tête sur son épaule. Mais comment poser ma tête sur son épaule maintenant que la crise est passée ? Selon nos règles, nous sommes amis. On ne met pas la tête sur l'épaule de son ami sans raison. Alors, ce qui était avant de la taquinerie est devenu un moyen de provoquer un contact, un rapprochement : je le chatouille. Il déteste ça, mais je me contrôle à peine. Ce qui est sûr, c’est que je ne fais pas ça pour lui casser les pieds, ça relève du domaine du besoin.
Enfin, bon, je te parle de ça, mais tu ne peux pas le comprendre. Tu restes un ficus.

Elle jeta un dernier regard à sa coiffure, puis sortit de la salle de bain. L’une des feuilles du ficus tomba. Etait-ce un frisson ?

***

une réponse intelligente et végétale

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Commentaires
I
@Véron et MAP : merci. <br /> @pandora : c'est sensible ces petites plantes, même si on dit les ficus assez increvables. Au travail, il y en a un qui a perdu également quasi toutes ses feuilles il y a quelques mois. Mais il ne semble pas totalement mort pour autant. <br /> Le mien, qui m'a inspiré ce texte, est dans la salle de bain et se porte comme un charme. C'est une plante tropicale à l'origine, je ne peux donc que confirmer ce qu'a dit véron.
P
Le mien a perdu toutes ses feuilles, j'espère que je ne lui ai rien dit qui l'a traumatisé ;-)
M
Nos animaux familiers peuvent ressentir nos émotions, pourquoi pas nos plantes ?<br /> Véron a très bien dit ce qu'elle ressentait à la lecture de ton texte Infolio. J'y souscris !
V
ces mots sont comme des graines d'émotion !<br /> <br /> ( NB il est très bénéfique de placer les ficus dans les salles de bain, l'atmosphère humide leur va si bien...)
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