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Fanes de carottes
20 janvier 2009

Faux - 4

Le grand Faucheur en détails
Shi May Mouty



Hiiiiii ! Crrriiiii. Ça couinait, ça grinçait, encore et encore.
Il en avait mal aux oreilles. Déficit d’amortisseurs, diagnostiqua-t-il. Probablement que marteaux, enclumes et étriers s’entrechoquaient.
Ça ne pouvait plus continuer ainsi.
Il soupira. Ce n’était pas une vie d’endurer ces ennuis interminables. C’étaient certainement toutes les secousses endurées par son corps et transmises à ses osselets qui lui causaient cette douleur insupportable.
Pour une fois, il décida de prendre un peu de temps pour lui. Le temps de faire un examen général avant de se mettre en route pour son labeur.
Il se tâta le menton, fit claquer ses mâchoires. Chaque dent occupait bien sa place habituelle, il n’en manquait pas une, leur alignement était parfait. Il en était assez fier.
Il se palpa les côtes. En haut, ça pouvait aller. L’accrochage au sternum et aux vertèbres était très costaud. Par contre la souplesse et la mobilité n’étaient pas exemplaires, mais ça ne le gênait pas vraiment. En bas, les fameuses côtes flottantes le tracassaient davantage. Les pans de sa grande houppelande noire s’y accrochaient. De plus, elles ne lui servaient à rien, à moins d’y fixer diverses fanfreluches, rubans, dentelles, pompons, mais ce n’était pas son genre, ça ne cadrait pas avec ses obligations quotidiennes. Il aurait pu y mettre des médailles ou toute une brochette de décorations aussi lourdes que brillantes à la façon des officiers de certaines armées. Mais il préférait la discrétion, la sobriété, voire l’austérité.
Puis il caressa son crâne. Il avait un faible pour cette belle surface polie, couleur ivoire, si douce sous la main. S’il avait pu, il aurait souri de satisfaction.
La contrariété revint cependant quand il pensa à ses genoux. Les rotules semblaient constamment sur le point de se détacher. C’est comme pour les doigts et les orteils, se dit-il, qu’y a-t-il de plus fragile que des phalanges ? Avez-vous déjà regardé un petit orteil ? Trois petits os ridicules mis bout à bout. Comment faire pour ne pas perdre des morceaux ?
Il se pencha pour les regarder brièvement et vérifier la présence de tous ces éléments instables. Puis il fit quelques flexions sans noter de difficulté particulière. Mais le mouvement déclencha quelques grincements. Encore un problème d’huile.
Il allait devoir tout huiler de nouveau. Et cette fois, il lui faudrait choisir une huile de qualité supérieure, plus fluide, plus onctueuse, qui se glisserait parfaitement dans les espaces les plus ténus des articulations. Et surtout, une huile plus stable, faite pour durer, durer, durer…
Celle qu’il avait utilisée jusqu’alors s’était dégradée trop vite, se mêlant aux poussières, voire aux toiles d’araignée, formant une boue grenue, une vraie toile émeri.
Il s’appuya sur sa faux,  le prolongement de son corps, l’outil indispensable pour accomplir son éternelle tâche dans un mouvement ample, souple et élégant, infiniment et inévitablement recommencé. La lame courbe immense brillait sous la lumière blanche de la lune. Il passa son index sur le fil ; très bon tranchant, songea-t-il, jamais elle ne m’a fait défaut, elle, au moins. C’était parfait. Il pouvait maintenant partir à son travail. Hiiiiiii ! Crrrrriiiiiiii !

***

en réponse à cet appel tranchant

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Commentaires
M
OUH là là, on sent qu'il va trancher dans le vif du sujet !!!!
Fanes de carottes
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