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Fanes de carottes
11 janvier 2009

Le feuilleton du dimanche

Ceux d'en bas

quatrième épisode

Tilu


(juste avant...)

     Verox s’assit sur le bord de sa couchette. Il réfléchit et se dit qu’il ne pouvait rien faire tout seul, là-haut. Il ne savait rien en fait, ni où il se trouvait, ni où ses parents vivaient, ni qui étaient ces barbares qui l’empêchaient de penser en surface sous peine de mort violente, ni ce qu’était la collection….  Et Intergure l’avait laissé là, seul.   
     Il laissa courir son regard autour de lui, puis se leva et s’approcha de la bibliothèque. Pope lui avait appris à lire, mais ça faisait bien longtemps qu’il n’avait rien lu de nouveau. Il connaissait par cœur les livres de contes du grand-père, c’est tout ce qu’il avait pu garder dans la cave, mais il n’avait jamais feuilleté d’autres ouvrages même s’il savait qu’il en existait des milliers.
     Trois gros volumes à la tranche vert pomme attirèrent son œil. Il n’y avait aucun titre sur les couvertures, seulement des chiffres romain, I, II, III.
     Vérox attrapa le premier volume  et commença à le parcourir.  Il décrivait la Terre du siècle précédent. Il y avait tout un tas de photos superbes d’un certain Arthus Bertrand. Des photos magnifiques du monde de rêve qu’était la terre au début du XXIème siècle. Pourtant les textes qui accompagnaient les images parlaient de déséquilibre, de pollution, de réchauffement climatique, d’appauvrissement de la faune et de la flore et annonçaient les pires catastrophes si les hommes ne changeaient pas leurs habitudes.
     On y lisait aussi l’organisation d’une société des hommes de l’époque. Personne ne vivait sous terre, mais il y avait quand même beaucoup de misère, de guerres, de famines.
     Une grande force implacable dirigeait le monde (à ce que comprenait Vérox) c’était l’argent, et au fil du temps, tout au long de ce siècle il s’était dessiné deux grandes catégories d’hommes et d’âmes. Ceux qui avaient de l’argent et ceux qui n’en avaient pas.
Les premiers, de moins en moins nombreux mais de plus en plus puissants, avaient petit à petit asservi les seconds, les traitant enfin comme des esclaves, et les parquant dans des ghettos insalubres sans assistance, ni aide aucune. 
     Les premiers s’étaient préservés des zones protégées, écologiques et se servaient des zones de vie des seconds comme d’un dépotoir géant où ils se débarrassaient de leurs déchets toxiques et autres pollutions en tous genres.
     Les premiers avaient fini par interdire l’accès de leur monde aux seconds en construisant des murailles et systèmes de défense sophistiqués afin qu’ils puissent être en sécurité et à l’abri des seconds dont certains spécimens tentaient quelquefois des incursions chez eux, allant jusqu’à commettre des meurtres et autres délits pour attraper une part de leur rêve.
     Le volume II racontait la transformation de l’écologie de la Terre.
     En zone pauvre, la végétation avait pour ainsi dire disparue à quelques végétaux mutants près. Le climat était devenu celui des déserts d’antan, brulant le jour, glacial la nuit. Soumis à des phénomènes météorologiques extrêmement violents.
L’organisation des hommes s’étaient petit à petit adaptée au climat, les pauvres se réfugiant sous terre après un long travail pénible d’aménagement précaire du sous sol, on les appelait dorénavant « Ceux d’en bas » ; les riches s’aménageant en surface des zones protégées  à grand renfort de haute technologie de pointe, très couteuse permettant de compenser et de corriger les dérèglements du climat, on les appelait maintenant « Ceux d’en haut ».
     Ceux d’en haut continuaient à exploiter Ceux d’en bas, mais les craignaient aussi énormément. Ils avaient mis au point un système de défense qui ne permettait la montée à la surface que des êtres sans instruction, ni pensée, ni réflexion. Ainsi n’avaient-ils rien à craindre de l’engeance sombre qui grouillait dans les sous sol.  Ils avaient placé au-dessus et alentour de chaque sortie de terre, un scanneur ondulaire qui en même temps qu’il lisait la puce identitaire sous cutanée de tout individu à sa portée,  effectuait un magnético-encéphalogramme. Si celui-ci mettait en évidence une activité de réflexion, le système déclenchait automatiquement un tir de balles explosives qui  devait détruire l’individu.  Le système était très efficace sauf face aux longueurs d’onde de la couleur rouge et ses variantes, qui troublaient incompréhensiblement les détecteurs.

     Vérox arrêta un moment sa lecture, il regarda le bout des doigts douloureux et cloqués de sa main droite qui avait touché un de ces projectiles pourtant éteint  et frissonna à l’idée de ce à quoi il avait échappé. Il était toujours seul, il n’entendait aucun bruit si ce n’est de temps en temps le grondement très lointain d’une explosion. Il avala les quelques pilules multivitaminées que lui avait glissées Daisy avant de partir et attrapa le troisième volume.

     Le volume III expliquait « la Collection ». Au fil des années un groupe d’individus rebelles ou dissidents s’étaient retrouvés autour d’un projet.  Dans l’ombre des sous-sols, des groupes d’intellectuels et d’esprits ouverts avaient réussis à se rencontrer. Certains issus de Ceux d’en bas, d’autres moins nombreux mais très actifs issus de Ceux d’en haut mais en désaccord total avec les idéaux de leurs dirigeants.
     Il y avait là une équipe de scientifiques : biologistes, physiciens, chimistes, mais aussi des sociologues, historiens, quelques médecins et enseignants, ainsi qu’une quantité d’artisans plus qualifiés les uns que les autres. Le reste de la troupe étaient constitué de beaucoup de jeunes gens sans qualifications particulières mais volontaires et prêts à donner de leur temps et de leur énergie pour la construction d’un nouveau projet de société.  Toutes ces personnes formaient une Collection très riche de compétences et de volontés, ce qui avait donné son nom au Projet.

     Vérox n’en croyait pas ses yeux, il comprenait enfin pourquoi ses parents avaient disparu un jour sans revenir. La cause était belle. Pope leur avait caché la vérité pour les protéger. Mais maintenant, il savait. Et il avait envie de se joindre à la Collection, même s’il ne connaissait pas le Projet. Les pages suivantes du livre le décrivaient en détails mais Vérox n’arrivait plus à lire, la fatigue et l’émotion lui brouillant la vue. C’était surement un beau projet.
     Il pensa alors à Daisy et Jim qui étaient toujours dans l’ignorance de tout ça et qui devaient  attendre son retour avec inquiétude. Il se souvenait de l’angoisse que lui causait l’attente de son grand-père quand il sortait en surface, et se demanda s’il ne devait pas essayer d’aller informer sa sœur de ce qu’il se passait.
     Il entendit de nouveau le bruit sourd de quatre battements puis rien puis encore quatre battements.  La trappe se souleva. Instinctivement, il se précipita sous la couchette observant d’un œil les nouveaux arrivants. Il aperçut une paire de jambes gainées de rouge, mais, à la vue d’une deuxième paire de jambes d’une autre couleur, il se recroquevilla le plus qu’il put dans sa cachette, replié sur lui-même, les poings serrés de peur, la respiration suspendue.
     Étaient-ce les pas d’Intergure et d’un de ses amis qui descendaient l’escalier ? Ou bien ceux d’en haut avaient ils trouvé son ami guide et le forçaient-ils à livrer ses secrets ?

à suivre...

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Commentaires
I
@papistache : il semblerait que oui, je vois un mail qui correspondrait bien à ça. Mais je n'ai pas le droit d'ouvrir pour voir la pièce jointe, vu que je suis dans la liste des participants.
P
Dites, vous l'avez reçu mon épisode ?
P
Rose je viens d'envoyer ma copie. Oserais-je vous dire que j'ai dû un peu presser le citron ? Voire pas mal. Peut-être d'ailleurs quelques pépins se sont-ils mêlés au jus acide.
R
> Tilu: bravo d'éclairer ainsi certains mystères de ces caves !<br /> > Papistache : cette explication politico-écologique me convient tout à fait. Reste à mieux connaître l'organisation dissidente, et le rôle de Pope ; et vous dirai-je mon voeu secret ? j'aimerais bien revoir Daisy et Jim. Est-ce qu'ils sont vraiment en sécurité, en bas ?
S
Je suis ébahie face à tant de talent, le tien Tilu et celui de tous les auteurs qui se sont succédés depuis que ce feuilleton ô combien feuilletonnesque (c'est un énorme compliment dans ma bouche (ou sous mes doigts) !) a commencé. Et j'attends avec impatience la suite, que les deux paires de jambes soient ou pas amicales pour Vérox.
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