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Fanes de carottes
4 décembre 2008

Les musées improbables - 1

Le musée du O

InFolio

   « Tout le monde a-t-il bien mis son casque ? Vous avez votre lampe de poche, votre trousse de premier secours, vos rations de survie ? »

   Il n’est pas rare que des visiteurs soient venus sans se renseigner. Nous sommes alors obligés de leur refuser l’entrée.

   « Bon, nous pouvons commencer la visite du musée. Suivez-moi. »

   Je conduis le petit groupe devant la porte qui mène à une grande salle obscure.

   « Dans cette première salle, je vous laisse libres d’aller et venir comme bon vous semble. Vous pouvez regarder les photographies, observer les échantillons présentés tout en lisant les panneaux explicatifs. »

   Toujours le même laïus répété de nombreuses fois déjà, trop peut-être. Tout en ouvrant la porte pour les faire entrer, je continue:

   « N’hésitez pas à me poser des questions grâce au micro-casque que nous vous avons installé. Je vous attends dans le sas situé derrière la petite porte à l’autre extrémité de la pièce, près de l’alcôve du gruyère. Quand vous m’aurez rejoint, dans maximum vingt minutes (synchronisez vos montres à mon top – 16h28 - 4, 3, 2, 1, top !), nous passerons à la suite de la visite qui est plus interactive, rassurez-vous. »

   Dans cette visite à frissons, ce début si classique et rébarbatif déçoit souvent : pièces de tissus mangées aux mites ou brûlées par une cigarette, taupinière reconstituée, photo-satellite de la couche d’ozone entourant la planète, colorisée, diffusée sur un écran et réactualisée toutes les minutes. Si nous voulons garder à ce lieu le nom de musée, nous devons conserver cet aspect culturel et pédagogique. Par politesse, ils regardent et lisent les affiches.

   Une fois tous entrés, je referme la porte et emprunte un couloir annexe qui me conduit vers le sas en question. Par le système vidéo, je les regarde déambuler. C’est le panneau des serrures qui souvent fascine le plus les gens. C’est assez étrange cette attirance.

   Quelques lampes sont prudemment allumées, mais moins que d’habitude. Nombreux sont ceux qui se déplacent sans cette aide, allant d’une alcôve faiblement éclairée à l’autre, certains à grandes enjambées, d’autres à petits pas, le nez en l’air ou scrutant le sol. Après, tout est question de chance et de probabilité dans cette salle.

   Cette fois, je n’ai cependant pas de question. Je les sens plus fébriles que d’habitude. Il faut dire que c’est la première séance de la première journée de visite incluant notre nouvelle pièce unique… pour l’instant secrète. Mais il va leur falloir attendre un peu. J’ai l’impression que tous ceux là sont déjà venus. Trop bien équipés dès le départ, ils se sont préparés à tout.

   Comme chaque fois, les vingt minutes écoulées, il me manque au moins un visiteur à la sortie de la salle. Ça fait toujours un peu d’esclandre quand le disparu est venu en couple ou avec des amis. C’est pire quand c’est un enfant, mais quelle idée d’amener des enfants dans ce musée ? Si encore ils pensaient à s’encorder… Mais avec ce public averti, tout se passe bien, aucun commentaire n’est fait à propos du visiteur manquant.

   Dans le sas, je leur explique la suite :

   « Dans cette pièce, il ne s’agit plus seulement de lire et regarder, mais également de participer. N’hésitez pas à me poser des questions grâce au micro-casque. Je vous attends dans le sas situé derrière la porte à l’autre extrémité du couloir dans une heure. Je vous laisse entrer. »

   Et encore une fois, j’ouvre la porte, les laisse s’engager, referme et passe par l’autre couloir pour rejoindre le deuxième sas.

   Le couloir s’ouvre sur plusieurs petites pièces comportant chacune une ou deux attractions. Les visiteurs aiment bien utiliser le composteur, avant d’entrer dans le simulateur d’avion naviguant en pleine tempête.

   Celle avec les deux artistes qui s’insultent, l’un en langue d’oc l’autre en langue d’oïl, est assez pathétique. Par sécurité, nous avons été obligés de les séparer, mais il arrive encore de voir s’envoler une plume d’oie à la pointe effilée à travers la pièce. Là encore, il y a eu des accidents, c’est pour ça, entre autres, que nous conseillons de porter un casque. Si ça ne tenait qu’à nous, nous leur imposerions aussi une armure… Mais il n’est pas bon pour notre image d’effrayer trop les visiteurs, et surtout, ça finirait par les surcharger. Nous limitons l’approvisionnement des poètes à une plume d’oie par jour et nous interdisons aux visiteurs de leur donner un stylo ou un crayon. Nous ne leur fournissons pas non plus de quoi les tailler. Le temps qu’ils passent à la frotter est autant de temps en moins de chamaillerie. Mais malgré tout, la plume de l’un ou de l’autre finit toujours pas voler, assassine, à travers leur local.

   La pièce la plus impressionnante selon moi est celle de la faille spatiale. Elle ouvre un point de vue sur la Dent de Crolles à Grenoble et son célèbre Trou du Glas. Les novices croient parfois qu’il s’agit juste d’une image holographique et essayent de toucher, et il arrive qu’ils s’avancent un peu trop.

   Là encore, souvent des visiteurs manquent à l’appel au bout du couloir... Asphyxies, trépanations et chutes vertigineuses ne sont pas rares. Mais aujourd’hui, les voilà tous bien présents. Agités et fébriles à l’idée qu’ils sont enfin arrivés au dernier sas, celui qui conduit à la nouvelle attraction.

   Je les fais s’aligner le long du mur, ils devront entrer un par un dans la pièce attenante et ouvrir une porte. Je suis juste là pour m’assurer qu’ils n’entrent pas à plusieurs, je dois écouter et après avoir entendu cinq bips je peux laisser passer le suivant. Je ne sais pas avec certitude ce qu’il se passe là-bas derrière. Je sais seulement que des physiciens ont participé à la conception de cette nouvelle pièce du musée. Des entreprises spécialisées dans les basses pressions, la cryogénie et le vide ont été appelées en renfort des équipes construisant le nouveau bâtiment.

   Parmi les guides, on discute un peu. L’un de nous avait une théorie assez effrayante, mais du jour au lendemain il n’est plus venu travailler.

   Je songe de plus en plus sérieusement à me ranger. Outre le danger lié à certains phénomènes aléatoires, je commence à avoir des soucis de mémoire.

InFolio___Le_Mus_e_du_O

* * *

Une réponse à cet improbable appel à jeux.

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Commentaires
P
Oups, désolée, mauvaise manip
P
Mon comm n'est pas passé hier ;-(<br /> Je recommence ;-)<br /> Je trouve pas vraiment ton musée sympathique mais plutôt effrayant. Cela dit, s'il te reste un billet d'entrée, je me ferais une joie de l'offrir à ma belle-mère pour Noël ;-))
I
:D <br /> Bien vu pandora ! <br /> Hé malheureusement, l'accès au musée se fait uniquement par une petite case de ma tête, et bon, j'ai pas tellement envie de laisser rentrer des gens autres que mes personnages imaginaires dans ma cervelle. Il faudra trouver une autre solution pour le Belle-Mère. Mais un bon film d'horreur bien stressant pourrait peut-être lui faire avoir de l'hypertension, une crise cardiaque ou ce genre de chose... On peut toujours se tromper de salle en l'emmenant voir un autre film. /o\
P
Mon comm n'est pas passé hier ;-(<br /> Je recommence ;-)<br /> Je trouve pas vraiment ton musée sympathique mais plutôt effrayant. Cela dit, s'il te reste un billet d'entrée, je me ferais une joie de l'offrir à ma belle-mère pour Noël ;-))
I
Vanina, c'est vrai que ça aurait pu être un effet à la façon de Soleil Vert, mais ce n'est pas ça... C'est mon coté physicien qui s'est exprimé.
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