Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Fanes de carottes
6 octobre 2008

A vos souhaits !

Mourir écrasé

InFolio

C’est un touriste apparemment comme un autre, confortablement installé dans un avion, attendant le décollage.
Depuis une semaine, il est en vacances. Des vacances que lui a imposées son patron après vingt ans de service dans son entreprise. Vingt ans à être tellement occupé et passionné par son travail qu’il n’avait jamais pris les congés auxquels il avait droit. Vingt ans où il n’avait jamais été absent, même pour maladie. 
Au fond, il les a méritées, ces vacances, mais ce repos l’angoisse.
Les deux premiers jours, il s’est occupé comme il l’aurait fait en week-end : un peu de ménage, des courses, un courte promenade…
Ensuite, tellement peu habitué à rester chez lui, il a commencé à s’ennuyer.
Le quatrième jour, il a songé qu’il pourrait peut être aller voir ses parents. Mais il a vite abandonné cette idée, se disant qu’il s’y ennuierait autant que chez lui.
Finalement après de mûres réflexions, il a décidé de partir en voyage, a alors préparé sa valise, et une fois à l’aéroport, a pris un billet pour le premier avion en partance.

C’est là, une fois à bord, qu’il s’est mis à stresser et à angoisser.
Il pense à ses poissons qu’il a confiés en dernière minute aux soins de son voisin qui est tellement étourdi qu’il va probablement oublier de s’en occuper. Et une fois de retour, il risque de ne pas retrouver un seul de ses poissons vivants.
Puis il se demande soudain s’il a pensé à couper l’eau, le gaz et l’électricité.
Plus que tout, rester là, assis avec cette ceinture qui lui comprime le ventre, à ne rien faire, le rend très mal à l’aise. Un coup d’œil au hublot lui confirme que l’avion n’a pas encore bougé de l’aéroport. Il sait par expérience que cette sensation qui l’habite en cet instant, la sensation d’avoir l’estomac oppressé, n’est rien comparé à la torsion qui va verrouiller ce même estomac au moment du décollage.
Soudain, un frisson parcourt son échine. Il réalise que, dans sa précipitation, il a oublié de prendre son porte-bonheur. Quand on s’appelle M. Luck comme lui, ce genre de chose, inconsciemment, rassure.
Il essaye de chasser cette idée mais l’anxiété monte, quand il regarde son billet et le prospectus qui lui a été donné avec. Le nom de la compagnie aérienne lui est totalement inconnu.
Il réalise qu’étrangement le billet n’indique pas à quel aéroport il doit atterrir. Voilà ce que c’est de prendre un billet pour le premier avion disponible. Il se souvient du regard surpris, suivi d’un sourire amusé de l’hôtesse au guichet. Elle avait de beaux yeux bleus. Il soupire. S’il avait été plus jeune, et surtout s’il avait été moins empoté… Mais il sait combien il a un air repoussant; et il est resté célibataire faute d’accepter qu’on puisse s’intéresser à lui. Et ces lunettes à double foyer qui lui déforment le haut du visage au point que même lorsqu’il a les yeux fermés, on peut croire qu’ils sont ouverts…
Ses démons reviennent le hanter. Ses pensées se réorientent alors vers son voyage. Il se dit qu’il ne sait absolument pas où il va et que, dans ce là-bas inconnu, aucun hôtel ne lui est réservé. Rien à voir avec ses voyages d’affaire où tout est préparé comme sur du papier à musique.
Cette compagnie doit être une compagnie fantôme, à bas coût et de faible renommée.
Cette fois la peur a gagné. Peur de mourir écrasé et carbonisé dans le crash de l’avion. Il décide de descendre. Mais, au même instant, une hôtesse annonce que l’avion va décoller. Et en effet, il le sent se mettre en mouvement. Rouler, rouler, avancer sur la piste. Son estomac se creuse.
Il essaye de repousser cette pensée. De toute façon, il a choisi de partir à l’aventure. Pour une fois, dans sa vie, tant pis s’il doit passer par toutes ces frayeurs.
Pour oublier tout ça, il met un casque sur ses oreilles pour écouter de la musique très fort, se couper du monde, oublier qu’il est assis dans un avion, surtout oublier l’hypothèse d’un crash. Il s’efforce de penser à des choses plus clémentes, des choses passionnantes, son travail, ses collègues. Il n’y a que dans ce domaine que sa vie n’est pas une suite de ratés. Il réalise à peine que l’avion quitte le sol. Il est 13h, ses collègues reprennent le travail après leur pause déjeuner. Il n’écoute pas les annonces au micro. Ils doivent tous parler de lui, l’envier pour ces longues vacances. Il s’imagine assis à son bureau, à gérer un problème urgent avec toute l’expérience et le savoir-faire qu’il a acquis depuis des années.

Il faisait un temps agréable à Algus, cité marchande et principal centre économique d’Alsiméda. Ekoriblonim Elka7 était en train de rentrer tranquillement à son domihome dans son écobulle transaérienne. Tout en se déplaçant, il rêvait d’un voyage dans un pays lointain et exotique. Il faisait si bon qu’il décida d’évaporer la paroi de l’écobulle.
Cela fit s’envoler un épik qui s’était nonchalamment posé sur cet habitacle douillet et légèrement chaud. Pris par surprise, il battit une fois de trop des ailes. Ce mouvement souleva alors quelques grains de poussière, qui, par le triste principe de l’arroseur arrosé, vinrent chatouiller le naseau d’Ekoriblonim Elka7. Il éternua.

M. Luck n’entendit pas crier quand se matérialisa subitement un élétame dans l’habitacle. Il sembla léviter quelques secondes. Secondes suffisantes pour causer un mouvement de panique chez quelques passagers. Puis la force de gravité reprit ses droits et l’élétame, de tout son poids magnifique vint aplatir comme une crêpe sur M. Luck et ses deux voisins immédiats.
Ni l’élétame, ni M. Luck n’eurent bien le temps de saisir ce qui leur arrivait. Le premier, loin de sa brousse originelle d’Egalion, se retrouva soudain au milieu d’une foule hurlante, et ressentit une vive douleur en chutant sur des objets de géométrie peu conforme à son environnement habituel. L’autre enfin cessa véritablement d’être stressé par son voyage.

Sur Algus, Ekoriblonim Elka7 se gratta le naseau, pestant contre le fait qu’il devait travailler, ce sans quoi il n’aurait pas à faire ces trajets dans l’air pollué de la ville. En effet, contrairement à tous les membres de sa famille (une haute lignée), lui, Ekoriblonim Elka7, n’était pas un Elu. Pour sa plus grande honte, ceci ne s’étant pas produit depuis des générations et des générations, un membre de la Grande Famille Elka ne possédait ni pouvoir magique, ni divinatoire.

-----

Ce texte répond à l'appel permanent "A vos souhaits !"

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Attention : il faut comprendre : c'est le crash qu'on peut éviter ... pas le texte ! (Juré, crashé !)<br /> :D
M
Un récit "épik" !<br /> Sans gravité on peut l'éviter ....
C
Bad Luck... Ne JAMAIS sortir sans son porte-bonheur... :o) J'aime bien le changement de rythme...
P
Un crash DANS l'avion, on aura tout vu ;-)
S
Je ne sais pas ce qu'est au fond que cet élétame horrible qui se matérialise dans l'avion, mais une chose est sûre : je n'aimerais pas me faire écraser par un truc comme ça, de surcroît dans un avion...<br /> <br /> Enfin, comme quoi on ne méfie jamais assez et que le danger vient toujours d'ailleurs ! Atchoumm!
Fanes de carottes
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Publicité