Le feuilleton du dimanche : "Matins anachroniques"
Joyeux anniversaire, Georges
par Papistache
Résumé de l’épisode N° 2
Georges démontre scientifiquement qu’un état fébrile a affecté ses perceptions de la veille. A peine commence-t-il à s’en réjouir qu’un concierge saugrenu l’informe que dans moins de vingt-quatre heures l’inspecteur primaire souhaite le jauger, lui ainsi que sa classe. L’instituteur assure tant bien que mal sa classe du matin et disparaît en plein après-midi.
Episode N° 3
Mercredi 19 mars 2008
Costume strict, cravate sombre, joues lisses, Georges se tient au pied des escaliers qui mènent à sa classe. Solange s’entretient avec lui.
— Georges, je n’ai pas signalé l’incident d’hier et je ne compte pas le faire. Je vous couvre. On a plaidé votre cause. Ne recommencez pas !
— Oui, Solange. J’ai paniqué. Vous avez bien fait de m’appeler chez moi. Merci de me laisser cette chance. Je ne me reconnais pas. Pardon !
— Bon, n’en faites pas trop non plus, réplique-t-elle, ne pouvant cependant s’empêcher de remarquer qu’ainsi rasé de près, le bougre a du charme. Ah ! Monsieur l’inspecteur départemental a téléphoné... il projette de vous inspecter jeudi après-midi. Profitez de la matinée pour briffer un peu vos élèves.
— Jeudi ? Mais c’est aujourd’hui que l’inspecteur primaire vient !
— Un mercredi matin ? Ce serait une première. D’où tenez-vous cela ?
— Mais le concierge de l’école...
— Le concierge ? Mais vous m’effrayez mon petit Georges. Un concierge ? Vous pensez que l’Éducation nationale a gagné au loto. Un concierge !
Solange s’éloigne en écartant les bras et en soufflant fort : “Un concierge ! Un concierge !” Elle se retourne et lance : “Oh ! et puis, apprenez que même au début de ma carrière l’appellation inspecteur primaire était déjà tombée en désuétude.” Et se dirigeant vers son bureau, elle ne peut s’empêcher de marmonner : « Et venir en classe habillé comme pour un enterrement ! Non, mais... vivement la retraite… »
Georges comprend soudain le ridicule de sa tenue vestimentaire. Pourvu qu’on ne le voie pas ainsi. Il ôte sa cravate, la roule dans sa poche et il quitte sa veste pour la porter négligemment sur l’épaule. Il frissonne. En mars, l’air est encore frisquet. Qu’importe ! Les élèves franchissent déjà la grille.
Toute la matinée, l’instituteur essaie de mettre à jour les connaissances de ses élèves. Il a beau savoir que c’est lui qui sera évalué et pas les enfants, il tremble que cet inspecteur n’anticipe sur les projets du Président de la République. La presse ne manque pas de rappeler que les maîtres seront désormais évalués sur les connaissances et progrès de leurs élèves.
— Qui peut me dire en quelle année Clovis est devenu roi des Francs ? Oui…Tristan ?
— Vous avez vu Astérix avec Depardieu, M’sieu ?
Georges surjoue sa réponse :
— Game over, Tristan, essaie encore une fois ! Alors ? Qui le sait ? Léa ? Vas-y !
_ Clovix, M’sieu !
_ Non, Clovis !
_ Clovisse, c’est un coquillage ! On en a ramassés en classe de mer, l’an dernier, à Concarneau.
Il a bien fait de quitter sa veste. La sueur ruisselle le long de son dos. L’inspection sera catastrophique. Il le sent. Cependant, les propos de la directrice ont été clairs, il doit son pardon à la médiation de Julie. Plus de fuite possible, il doit assumer. Assurer sera une autre paire de manches. L’exemple des martyrs chrétiens, dont il a usé, par le passé, pour se motiver, sera-il suffisant ?
à suivre...