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Fanes de carottes
15 février 2008

Etoile filante - 2

De la relativité 
par Annick Bott

L’espace était d’un noir étincelant, traversé de fulgurances rouges et or. Spectacle somptueux qui laissait totalement indifférents les occupants du vaisseau spatial traversant le cosmos à une vitesse proche de celle de la lumière.

Dans le vaste habitacle, éclairé d’une clarté froide, n’offrant aucune vue sur l’extérieur, ils étaient trop occupés. Pas un mot, pas un geste, pas un regard n’était échangé. Chacun d’eux était face à une multitude d’indicateurs. Des courbes s’inscrivaient sur d’immenses écrans, des données numériques s’affichaient à un rythme saccadé, des voyants s’allumaient brutalement.

L’atmosphère était pesante. Silence, immobilité, tension, concentration. Objectif de la mission : exploration et conquête, quel qu’en soit le prix.

Pourtant, pas le moindre signe d’inquiétude face à la grandeur et la dangerosité de leur projet. Ils savaient que tout avait été calculé, prévu par l’esprit supérieur des membres les plus éminents de leur communauté. De plus, ils avaient une totale confiance dans leurs puissantes capacités intellectuelles qui leur avaient permis d’acquérir des connaissances scientifiques et des technologies depuis des millénaires. Le doute ne faisait pas partir de leur psychisme. C’est avec arrogance, qu’ils avaient asservi toutes les autres espèces, les exploitant pour se nourrir, se loger, se vêtir, se distraire ou se procurer de l’énergie. Sans pitié, ils avaient éliminé les espèces qui ne pouvaient rien leur apporter.

Leur civilisation était le résultat d’une sélection effectuée, génération après génération. Seuls les plus intelligents étaient autorisés à se reproduire.

Quant aux pilotes de ce vaisseau, ils étaient l’élite de cette sélection : des muscles atrophiés, des membres grêles, et un corps malingre réduit à quelques organes assurant les fonctions vitales au service d’un cerveau énorme.

Cependant, brutalement, dans la salle de contrôle du vaisseau, des informations troublantes, inquiétantes s’affichèrent. Une petite planète insignifiante que les études préliminaires n’avaient pas détectée, fut signalée sur leur trajectoire hyper-spatiale.

Les voyageurs restaient impassibles, seul le changement de couleur de leur cerveau témoignait de l’activité intense qui s’y déroulait. Cette planète ne pouvait pas exister, leur trajectoire ne pouvait pas avoir dévié. Il devait y avoir une autre explication. Leur mélasse neuronale refusait tout net l’évidence. Il était bien sûr impossible que les concepteurs de cette mission se soient trompés : ils sont infaillibles, comme tous les membres de la communauté d’ailleurs. Ils ne firent donc rien.

Tout s’enchaîna alors en un instant infime. Les parois se mirent à vibrer sourdement. L’indicateur de température commença à augmenter dangereusement. Puis ce fut le voyant montrant une défaillance du bouclier thermique qui clignota. Il semblait ne plus jouer son rôle.

Enfin, leurs perceptions ne furent que chaleur, brûlure, lumière, éblouissement, incandescence…

A quelque distance de là, la nuit était belle. Si belle que les deux amoureux n’y avaient pas résisté et s’étaient éclipsés discrètement, quittant leurs amis qui fêtaient Noël. Se tenant par la main, se souriant tendrement, ils marchaient sur la plage, douce à leurs pieds, ne s’arrêtant que pour s’embrasser et se chuchoter des mots tendres. Elle leva les yeux vers la lune. Puis elle lui murmura : « faisons un vœu, je viens de voir une étoile filante ». Il lui sourit.

Le lendemain matin, dans la ville voisine, un vieux monsieur promenait son caniche nain. Sur le trottoir, une petite chose noirâtre, boursoufflée. Le chien la saisit dans sa gueule. Son maître lui ordonna : « Lâche ça ! », puis confisqua l’objet insolite, et d’un coup de talon l’écrasa en des millions d’éclats.

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Commentaires
K
J'ai en souvenir un épisode de la 4ième dimension...<br /> Un vaisseau spatial qui s'écrase sur une terre inconnue...Une main géante qui attrappe les occupants pour les installer dans la maison de poupée d'une non moins géante petite fille.<br /> Relativité.<br /> Voilà...j'ai pensé à cela en lisant ton texte...et c'est un souvenir bien sympa.
Fanes de carottes
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