Etoile filante - 2
De la relativité
par Annick Bott
L’espace était d’un noir étincelant, traversé de fulgurances rouges et or. Spectacle somptueux qui laissait totalement indifférents les occupants du vaisseau spatial traversant le cosmos à une vitesse proche de celle de la lumière.
Dans le vaste habitacle, éclairé
d’une clarté froide, n’offrant aucune vue sur l’extérieur, ils étaient trop
occupés. Pas un mot, pas un geste, pas un regard n’était échangé. Chacun d’eux
était face à une multitude d’indicateurs. Des courbes s’inscrivaient sur d’immenses
écrans, des données numériques s’affichaient à un rythme saccadé, des voyants
s’allumaient brutalement.
L’atmosphère était pesante.
Silence, immobilité, tension, concentration. Objectif de la mission :
exploration et conquête, quel qu’en soit le prix.
Pourtant, pas le moindre signe
d’inquiétude face à la grandeur et la dangerosité de leur projet. Ils savaient
que tout avait été calculé, prévu par l’esprit supérieur des membres les plus
éminents de leur communauté. De plus, ils avaient une totale confiance dans
leurs puissantes capacités intellectuelles qui leur avaient permis d’acquérir
des connaissances scientifiques et des technologies depuis des millénaires. Le
doute ne faisait pas partir de leur psychisme. C’est avec arrogance, qu’ils
avaient asservi toutes les autres espèces, les exploitant pour se nourrir, se
loger, se vêtir, se distraire ou se procurer de l’énergie. Sans pitié, ils
avaient éliminé les espèces qui ne pouvaient rien leur apporter.
Leur civilisation était le
résultat d’une sélection effectuée, génération après génération. Seuls les plus
intelligents étaient autorisés à se reproduire.
Quant aux pilotes de ce vaisseau,
ils étaient l’élite de cette sélection : des muscles atrophiés, des
membres grêles, et un corps malingre réduit à quelques organes assurant les
fonctions vitales au service d’un cerveau énorme.
Cependant, brutalement, dans la
salle de contrôle du vaisseau, des informations troublantes, inquiétantes
s’affichèrent. Une petite planète insignifiante que les études préliminaires
n’avaient pas détectée, fut signalée sur leur trajectoire hyper-spatiale.
Les voyageurs restaient
impassibles, seul le changement de couleur de leur cerveau témoignait de
l’activité intense qui s’y déroulait. Cette planète ne pouvait pas exister,
leur trajectoire ne pouvait pas avoir dévié. Il devait y avoir une autre
explication. Leur mélasse neuronale refusait tout net l’évidence. Il était bien sûr impossible que les concepteurs de
cette mission se soient trompés : ils sont infaillibles, comme tous les
membres de la communauté d’ailleurs. Ils ne firent donc rien.
Tout s’enchaîna alors en un
instant infime. Les parois se mirent à vibrer sourdement. L’indicateur de
température commença à augmenter dangereusement. Puis ce fut le voyant montrant
une défaillance du bouclier thermique qui clignota. Il semblait ne plus jouer
son rôle.
Enfin, leurs perceptions ne
furent que chaleur, brûlure, lumière, éblouissement, incandescence…